Episode Transcript
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Parce qu'on aura toujours besoin de remplir le réservoir de sa voiture pour les choses essentielles de la vie.
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Parce qu'on aura toujours envie du meilleur confort possible.
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Et parce qu'il faudra toujours préserver l'environnement.
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Un jour, peut-être, si nos actionnaires sont d'accord.
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Alors. Total Energy,
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c'est la multinationale qui va changer votre vie.
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Plus verte, plus humaine, plus propre,
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elle promet une énergie bon marché qui arrive comme un enchantement dans le réservoir de vos voitures.
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Une compagnie pétrolière qui s'aimerait seulement des pétales de rose dans le siège de ses pipelines.
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Vraiment ? Vous écoutez
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Goliath. Que cachent les multinationales ?
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Je suis Laura Vérec. Je suis Violette Voldois.
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Bienvenue dans le podcast de l'Observatoire des multinationales et de Radioparleurs.
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Moi, quand je suis arrivé, c'était en début 2015,
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personne ne parlait de ce projet-là. Collusion,
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pression, menaces, des récits troublants viennent contredire le rêve fleuri que Total Energy déploie dans sa communication tirée à quatre épingles.
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Que se passe-t-il réellement dans les savannes hougandaises ?
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Pour y voir clair et percer les secrets du géant pétrolier directement sur un terrain miné,
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il faut un enquêteur discret. Un enquêteur qui sera composé avec la très secrète industrie pétrolière,
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sur le site du futur projet titanesque de Total Energy,
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Tilanga. Alors moi c'est Thomas Barthes,
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aujourd'hui je me considère comme chercheur indépendant.
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J'ai passé environ 5 ans en Ouganda et aujourd'hui je travaille principalement avec différents médias.
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En 2015, Thomas Barthes, qui a étudié les sciences politiques à la Sorbonne,
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pose donc ses valises dans le pays et s'imagine y passer quelques mois,
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cultivant un petit lot peintaire, tranquillement concentré sur ses recherches.
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Comment est-ce que tu t'intéresses à Total ?
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Mon sujet de thèse était sur la mise en place de l'industrie pétrolière en Ouganda.
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Dès le début de ma thèse, je m'amenais à travailler sur Total.
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Et lorsqu'il découvre comment Total travaille déjà le terrain hongandais depuis 4 ans,
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il en trouve une boîte de Pandore au secret peu reluisant.
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Car l'entreprise française lorgne depuis longtemps sur les gisements pétroliers du lac Albert,
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découvert en 2006. Le projet de Total Energy porte un nom,
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E-COP, pour East African Crude Oil Pipeline,
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titanesque réseau de transport de pétrole qui doit traverser 1400 km d'est en ouest,
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à travers parcs naturels, forêts,
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savannes, villages. Des tuyaux énormes dont la température doit être maintenue à 50 degrés pour que l'or noir y reste bien liquide.
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L'équivalent d'un milliard de barils vont y couler pendant 25 ans.
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Et pour cela, les buffles, les antilopes qui viennent boire l'eau fraîche du lac Albert devront être délogés.
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À leur place, le monstre sinueux s'alimentera du pétrole dans le vacarme des foreuses.
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Ces forêts de métal, comme on en voit dans les livres d'histoire américains sur la conquête de l'Ouest,
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risquent de souiller ces terres, à tout jamais.
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Il y a à la fois bien sûr les conséquences climatiques d'un projet,
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alors que l'Agence internationale de l'énergie, le GIEC,
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disent qu'il ne faut plus aucun nouveau projet.
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Ce projet-là, au moment du pic de production,
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on parle de plus de 34 millions de tonnes de CO2, ce qui ne parle pas trop.
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Mais pour avoir un équivalent, c'est en gros l'équivalent de 6 fois les émissions de CO2 de l'Ouganda.
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et il y a tous les risques environnementaux,
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à la fois au niveau de l'océan Indien, là où il y aura le port pétrolier,
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notamment parce que c'est une zone qui a un risque de cyclone,
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il y a de plus en plus de cyclones. En 2004,
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il y avait eu un tsunami. Potentiellement,
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ça peut être vraiment catastrophique.
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Aussi, parce que le pipeline passe l'Utah quelques kilomètres,
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à environ 5 kilomètres de la plus grande réserve d'eau douce d'Afrique,
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le lac Victoria. D'après la Banque mondiale,
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il y a environ 40 millions de personnes qui dépendent de ce lac.
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donc des potentielles contaminations qui seraient désastreuses.
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Et ce qu'il faut bien voir, c'est que toute cette région de l'Afrique bouge énormément,
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dans le sens que c'est l'une des zones où l'activité sismique est la plus élevée.
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Sur les 25 dernières années, on parle de plus de 300 tremblements de terre élevés,
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c'est-à-dire supérieurs à 4,5 sur l'échelle de Richard,
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et qui, bien entendu, augmente le risque de fuite d'un pipeline,
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tout en sachant que, de toute façon, tous les pipelines fuient.
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Après, plus ou moins, mais tous, même en Europe,
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même en Amérique du Nord, sauf que là, en plus, quand on parle de cette zone-là extrêmement fragile,
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extrêmement sensible, on augmente le risque des conséquences de ça.
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On travaille par exemple en ce moment en Ouganda avec des experts et scientifiques pour voir comment on peut reconstituer les corridors pour la circulation des chimpanzés.
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Patrick Pouyanné, PDG de Total Energy,
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auditionné par les députés le 9 novembre 2022.
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On va contribuer à accroître de 50% les rangers dans les parcs nationaux d'Ouganda.
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Or le principal sujet de la biodiversité dans ces pays africains,
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c'est le braconnage. et que mettre en place une police des parcs nationaux a une vraie utilité pour la biodiversité.
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Voilà des choses très concrètes qu'on peut chercher à faire. Le PDG du pétrolier français aime ainsi rappeler dès qu'il en a l'occasion que l'entreprise est engagée pour l'environnement.
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Il n'y a donc pas de sujet environnemental et tout est transparent.
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En bon enquêteur, Thomas Barthes ne prend pas ses beaux discours pour argent comptant et s'arme tout de même de quelques précautions dans son travail.
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Car l'industrie pétrolière n'est pas un livre ouvert,
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c'est un monde opaque, fermé, dont les protagonistes savent parfaitement qu'ils pourront se réserver le droit d'écarter les gêneurs.
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L'énergie est un secteur stratégique. Total Energy,
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on est le bras armé. Pire, c'est un fleuron de l'industrie française.
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Pour les chercheurs universitaires, on est censé avoir un permis de recherche.
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Donc ça c'est pour n'importe quel sujet, mais en plus pour tout ce qui concerne le secteur pétrolier,
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il faut un permis spécial, un sur-permis entre guillemets.
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Et ce qu'on m'avait dit, c'est qu'en gros personne n'avait jamais eu ce permis-là.
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D'ailleurs, je ne l'ai jamais eu. Ma peur,
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elle n'était pas du tout en termes sécuritaires, en tout cas. En tant que Français,
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je me disais que le risque, il était qu'ils me mettent dans un avion et pas vraiment autre chose.
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Thomas Barthes devrait pourtant se méfier. Il faut avoir des yeux partout lorsqu'on enquête sur le projet Tilinga.
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En Ouganda, Total Energy, ce n'est pas que Total Energy,
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ses salariés identifiables avec un badge et ses officiels au langage policier.
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La multinationale a des bras armés,
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des sous-traitants qui font un bien sale boulot,
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faire place nette sur les sites des raffineries qui sortiront un jour du sol.
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Thomas Barthes constate alors que des pressions, parfois même des menaces,
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ont déjà commencé, alors que les forages ne sont même pas encore d'actualité.
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En 2017, la multinationale française mandate des intermédiaires.
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L'entreprise Atacama en fait partie.
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Chargé de négocier avec les populations, ses sbires proposent un deal.
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Quitter les terres des futurs forages contre une compensation financière.
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Par exemple, dans la zone là où il y a le premier sous-projet au sein du projet d'exploitation de Tilanga.
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Total, compensent les personnes 3,5 millions de shillings.
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Il va parler à personne qui écoute cette émission.
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C'est un peu moins de 1000 euros, 800 euros.
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Pour vous donner une image, l'Ouganda National Road Authority,
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c'est-à-dire l'administration qui construit des routes en Ouganda.
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compense entre 3 et 4 fois plus. Donc une administration ougandaise compense 3 à 4 fois mieux que Total.
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Nous n'indemnisons pas du tout à 1000 dollars par hectare comme je l'ai entendu en Ouganda,
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mais plus cher que ça, à un prix relativement élevé.
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Vous vérifierez sur la base de nos chiffres qu'on vous fournit,
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puisque c'est nous-mêmes qui les alimentons. Pourtant,
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beaucoup de familles acceptent le deal. Car Total Energy s'engage à verser l'argent le plus vite possible dans la poche des paysans et leurs familles.
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Pour Thomas Barthes, cela ressemble surtout à un bel écran de fumée.
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Car dans les petites lignes du contrat que les employés d'Atacama font signer aux paysans,
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il y a des choses bizarres. Ils n'ont pas le droit de réparer les maisons.
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Alors que ce sont des maisons en terre, au bout d'un an et demi,
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les maisons s'écroulent si elles ne sont pas réparées. Ils n'ont pas le droit d'enterrer leurs morts,
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par exemple, sur leur terre. Et elles ne peuvent pas cultiver certaines cultures.
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Encore aujourd'hui, en 2023, il y a énormément de personnes qui n'ont pas reçu la compensation.
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Ces personnes-là ne peuvent pas utiliser leur terre de manière libre.
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Elles sont totalement coincées. Il y a une perte de revenus très importante.
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Beaucoup de familles parlent de famine. Il n'y a pas que les rapports d'ONG qui en parlent.
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Plusieurs journalistes ont sorti les mêmes choses. Il y a un phénomène de déscolarisation très important.
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Il y a le problème d'accès à la santé, bien sûr, qui augmente parce que quand on ne peut plus se nourrir,
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on va encore moins à l'hôpital quand on est malade. Lors de mon dernier séjour en Ouganda,
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l'été 2022, certaines familles me disaient que pour se nourrir,
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elles volaient dans les champs de leurs voisins. Pour certaines familles,
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ça en va jusqu'à là. Certaines familles ont osé dire non.
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Non aux sommes dérisoires qu'on leur proposait,
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en échange d'un projet d'extraction pétrolière présenté comme une nécessité économique absolue pour leur pays.
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Certains ne sont même pas contre. Beaucoup le sont,
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mais pas tous du tout. Mais ceux qui ne sont pas contre le projet en soi,
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mais qui refusent ces taux de compensation et qui le disent et l'expliquent de manière publique,
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peuvent subir des pressions. de différents types.
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Certaines se sont fait attaquer en justice par le gouvernement rwandais.
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D'autres se sont fait arrêter parce qu'elles parlaient trop notamment à des ONG ou à des journalistes.
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D'autres ont subi des menaces de mort. Défendre ses citoyennes et citoyens,
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qui se plaignent d'être les dernières roues du carrosse,
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n'est ainsi pas la priorité des autorités hougandaises,
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qui convoitent les 25 milliards de barils promis par le projet.
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Pour Total Energy, il n'est pas question de renoncer à Tilanga.
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Ce projet est trop important pour la santé financière de la multinationale,
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quitte à adopter des méthodes douteuses. Il y a eu aussi des menaces de salariés de Total,
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dont même récemment une menace de mort d'un salarié de Total ou grandé vis-à-vis d'une personne affectée mais qui est très active.
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Écarter les gêneurs, faire taire les paysans mécontents,
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pour les habitants et habitantes des zones concernées par le projet Tilanga,
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C'est la loi du silence qui s'installe. Pour Thomas Barthes,
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l'enquête devient de plus en plus compliquée sur le terrain.
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Les gens avaient peur. Ils avaient peur pour différentes raisons.
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Par exemple, au niveau des communautés affectées,
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le fait que j'étais français n'aidait pas du tout.
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Blancs, ça n'aidait pas, mais français encore moins, dans le sens où,
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je ne sais pas si c'est au français, il y avait notamment une entreprise qui s'appelle Total qui était présente.
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mais même sans parler d'une possible association entre moi et Total,
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il y avait aussi toute la peur du land grabbing, c'est-à-dire des personnes qui essayaient de voler les terres avant Total,
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pour après essayer de spéculer avec Total. À la suite,
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au niveau des fonctionnaires, c'était extrêmement sensible.
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Au fil du temps, la confiance s'installe et on arrive à nouer des relations qui permettent de récupérer des informations.
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Mais c'est vrai que ça prend beaucoup de temps. Pas tant parce que parfois,
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les informations sont dites secrètes, interdites,
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mais de fait, vu le sujet, c'est souvent plus facile de les récupérer si les fonctionnaires ne savent pas que c'est lié au secteur pétrolier.
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Et dans un régime non démocratique comme l'Ouganda...
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sur des sujets extrêmement sensibles. En gros,
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quand ça touche au groupe au pouvoir, donc M.
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Vignier, sa famille, c'est très très proche,
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et quelques secteurs clés stratégiques, notamment concrètement l'armée et le pétrole.
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Il y a un risque pour les fonctionnaires de se faire jarter du jour au lendemain parce qu'il n'y a pas de protection pour ses salariés.
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Et de manière générale, même pour ceux déplacés, pendant mes cinq ans là-bas,
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très peu de monde savait sur quoi je travaillais parce que c'est trop compliqué,
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à tous les niveaux, pour récupérer des informations et pour pouvoir y rester notamment aussi longtemps.
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Pendant toutes ces années d'enquête, Thomas Barthes avance donc masqué,
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discret avec ses sources, évasif avec les agents de l'État,
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prudent. avec le géant français de l'énergie. Car c'est un système auquel il est confronté,
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un système bien huilé, un système qui finit toujours par remarquer quand on s'intéresse à lui d'un peu trop près.
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L'enquêteur sent bien qu'un jour ou l'autre, c'est sur son dos qu'on accrochera une cible.
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Moi, j'ai subi des pressions, surtout à la fin,
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la dernière année. Même si officiellement,
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je ne travaillais pas sur le secteur pétrolier, donc clairement, ils avaient compris que je travaillais là-dessus,
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parce que je vivais à plein de temps là-bas. Il y a notamment l'équivalent du préfet qui,
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plusieurs fois, m'a menacé de me mettre dans un avion.
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Enfin, à moi et aussi à beaucoup de mes proches. À un moment,
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moi et mon confrère ougandais,
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on a été recherchés. Là, c'était juste avant,
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on m'a été en demeure totale. On prenait des témoignages écrits pour l'université de Haute-Juge.
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Quand les autorités l'ont découvert, là on a été recherché.
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Et avec d'ailleurs des messages à la radio locale avec nos noms.
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Donc là ça a été un peu compliqué. Il n'y a pas eu de photo à ma connaissance.
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Mais donc il y avait juste nos noms, etc. Après j'étais un peu le seul blanc dans le coin,
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tout le monde me connaissait. Le chercheur sait qu'une fois identifié par Total,
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le compte à rebours est lancé. Pour gagner du temps avant de se faire mettre la main sur le col,
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Thomas Barthes prend ses précautions. Il prend plusieurs appartements,
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l'un à côté d'une zone d'exploitation, l'autre à côté d'une future raffinerie,
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le troisième à Kampala, la capitale. Pendant deux mois,
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le chercheur va vivre dissimulé dans l'un de ses logements,
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là où personne ne le connaît. Il se sait rechercher,
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entend des annonces à la radio qui répètent son nom.
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Pourtant, il continue d'enquêter sur la pointe des pieds pour retarder le plus possible son éviction par le géant pétrolier.
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Quand j'étais dans l'autre ville, personne ne me connaissait,
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c'est quand je suis retourné dans la zone pétrolière,
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que là par contre, on était suivi,
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mais comme... Aujourd'hui, plein d'acteurs d'ONG ougandaises,
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c'est ça qu'il faut bien voir. Et la grosse différence entre moi et eux,
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c'est que moi je me suis toujours dit, s'ils m'arrêtent,
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c'est pour me mettre dans un avion. Les acteurs ougandais,
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c'est pas la même chose. On les arrête et eux,
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ils restent en prison. On a quand même clairement une protection quand on a un passeport européen.
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Il ne faut pas l'oublier. Certains projets sont probablement plus dangereux,
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mais sur un projet comme celui-là, Total veut tout,
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sauf qu'un journaliste ou un chercheur occidental prenne une balle.
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On n'est pas sur du graphique d'armes dans certains pays où là c'est autre chose.
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Donc de mon point de vue, par contre pour les Ougandais,
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c'est clairement très très différent. Un accident de la route d'un Ougandais,
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ce n'est pas forcément la une des journaux.
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Ceux qui sont à risque, c'est clairement les opposants au projet Ougandais et Tanzaniens.
15:52
Et en gros, ils ont commencé à arrêter des gens quand ils ont vu qu'on recommençait à contacter des personnes affectées par le projet.
15:59
Et du coup, c'est là où j'ai dû partir. Si chez Total Energy,
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on pensait avoir enfin retiré les pintomes à Barthes du pied du projet Tilianga,
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on en est pour ses frais. De retour en France,
16:16
le chercheur complète son travail de terrain par les informations publiées directement par l'entreprise.
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C'est alors une deuxième enquête qui commence. Il y a énormément d'informations publiques qu'on récupère,
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de fait. La première information qui me semble intéressante,
16:33
comme exemple, c'est le chiffre de nombre de personnes expulsées,
16:36
impactées par le projet, de 118 000.
16:39
Ça, c'est juste en fouillant les plusieurs milliers de pages.
16:43
Dans certains tomes, on voit que dans cette région-là,
16:45
il y a tant de personnes qui sont affectées. Dans un autre tome,
16:48
3000 pages plus loin, c'est ce nombre de personnes-là qui est affecté,
16:51
etc. Et c'est en additionnant qu'on arrive à avoir le nombre.
16:55
Et cette bataille des chiffres qui est importante,
16:58
entre moins de 1000 papes qui seraient impactés,
17:02
après ils vont passer à 18 000 papes, personnes affectées par le projet,
17:06
toutes les personnes qui se font expulser,
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en sachant qu'en total utilisent ce terme,
17:12
ils font référence principalement aux foyers,
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qui peuvent être parfois plus de 15,
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20 personnes, et c'est aussi pour ça qu'il y a eu pendant longtemps une bataille des chiffres sur
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Total qui parlait des papes. Et nous qui parlions de personnes affectées par le projet,
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mais par individus. Puis maintenant,
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ils ne parlent que des personnes qui sont expulsées,
17:32
comme si en gros il n'y avait que les personnes pour lesquelles Total construit des maisons,
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qui sont impactées, et pas les 118 000.
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C'est dans les documents de Total, ce chiffre-là. Même si,
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bien sûr, Total, c'est ce qu'on dénonce,
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n'a pas publié plein de documents et de protocoles,
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notamment en cas de fuite, qu'est-ce qui se passerait. Mais ce n'est pas pour ça qu'il n'y a pas déjà plein de choses qui sont sorties.
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Et... Gros exemple, le rapport que Survie et les militaires avaient publié en collaboration avec notre organisation,
17:58
l'Observatoire des Multinationaux, plus de 90% des informations,
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on les a eues de France. Et la très grande majorité derrière nos ordinateurs.
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Là c'était sur notamment le soutien de l'État français au projet Total en Ouganda.
18:12
Tout le système des portes tournantes qu'on a évoqué dans ce rapport là,
18:16
pour beaucoup ce sont des informations qui sont publiques. C'est juste que c'est chronophage oui,
18:20
mais ça se fait. Le 9 mai 2022,
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des militantes polonaises interpellent le président Macron au Parlement européen sur E-COP et demandent l'arrêt du financement de l'État français au projet de Total Energy.
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Tu as parlé justement de la France et de la position que la France a par rapport au projet de Total.
18:59
Est-ce que la France soutient, aide,
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protège ? Quelle est la position de la France par rapport à ce projet ?
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Il est assez représentatif,
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en tout cas l'image que je m'en fais, du comportement de l'État français vis-à-vis du secteur pétrolier de manière générale.
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qui d'un côté dit qu'il ne soutient pas le projet,
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parce que ce projet-là, spécifiquement,
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ils ne l'ont pas soutenu financièrement, ce qu'ils ont fait sur plein de projets de Total,
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de par le monde d'ailleurs. Par contre,
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ce qu'on voit, c'est qu'il y a eu un soutien diplomatique fort passé et encore présent,
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et ça va de tous les niveaux, que ce soit là à l'Elysée,
19:34
on a récupéré le bout d'une lettre de félicitation de Macron à Musevini lors de sa énième réélection.
19:42
Musevini, pour tout le monde le sache, c'est une personne qui est au pouvoir depuis 1986,
19:46
donc ça fait quand même 37 ans qu'il est au pouvoir, pris par les armes,
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le pouvoir. Donc lors de sa dernière réélection,
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Macron lui envoie une lettre de félicitation, Il dit que le projet ICOPE va encore permettre d'augmenter la coopération entre la France et le Louvain,
20:03
etc. Il y a un soutien de l'ambassade de France.
20:07
On en parle beaucoup dans le rapport que les trois ONG, Observatoire multinational,
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Survie et Les Amis de la Terre ont publié. Et c'est encore tout récemment.
20:14
Il y a quelques semaines, le ministère des Affaires étrangères français a fait venir un Tanzanien totalement pro-ICOP,
20:21
qui n'avait jamais rencontré de personnes affectées.
20:23
C'est lui-même qui m'a expliqué. Et clairement,
20:25
pour vanter le projet et pour expliquer comment ce projet était génialissime pour le pays.
20:30
Et clairement, il m'a expliqué que les personnes qu'il avait convaincues qu'il n'y avait aucun risque environnemental,
20:35
par exemple, c'était le directeur. de l'entreprise ICOP,
20:38
la filiale de Total, et que c'était lui qui lui avait vraiment rassuré qu'il n'y avait aucun risque sur l'environnement.
20:45
En quoi le ministère des Affaires étrangères français se fait le VRP d'un projet de Total ?
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C'est pas possible, quoi. Après,
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il n'y a pas du tout que le soutien diplomatique d'ailleurs,
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il y a aussi plein d'autres formes de soutien, notamment en termes de coopération militaire.
21:02
On a découvert que les militaires qui ont été déployés dans la zone pétrolière,
21:07
qui servent beaucoup plus à réprimer les opposants au projet que ce soit d'autres,
21:12
ces mêmes militaires, ces mêmes unités ont été formés par la coopération française.
21:20
L'État français affiche une inquiétude de façade.
21:23
Car en réalité, difficile pour lui de ne pas soutenir la multinationale,
21:27
car elle est française. Et cela semble semer le trouble dans l'esprit des fonctionnaires des ministères.
21:34
Thomas Barthes le voit au quotidien sur son terrain ougandais.
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Et depuis la France, c'est Olivier Petitjean,
21:40
un autre enquêteur qui va aller voir ce système bien ancré,
21:44
d'aller et retour incessant des fonctionnaires qui vont dans le privé,
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notamment chez Total, pour revenir ensuite défendre les intérêts de leurs anciens employeurs dans le public.
21:54
C'est ce qu'il appelle les portes tournantes.
21:57
Quand on se penche sur le projet Total en Ouganda,
22:00
on voit que l'État français à tous les niveaux a soutenu Total à bout de bras et a multiplié les gestes diplomatiques vis-à-vis du gouvernement ougandais.
22:07
Quand le président ouganda a été réélu, il y a Emmanuel Macron qui lui a adressé un message de félicitations,
22:12
alors même qu'il avait été élu dans les circonstances problématiques,
22:15
en incluant dans ce message son souhait que ce projet voit le jour.
22:19
Donc nous on s'est posé la question, qu'est-ce qui fait que l'État français...
22:23
On confond d'une certaine manière l'intérêt d'une entreprise privée dont les actionnaires sont majoritairement pas français,
22:28
Total, avec les intérêts de la France qui veuille le coup que la diplomatie française se mette au service de Total.
22:34
Et une des réponses qu'on a trouvées, c'est cette dynamique de ce qu'on appelle les portes tournantes,
22:38
c'est-à-dire les échanges de personnel entre le secteur public et le secteur privé,
22:41
soit des personnes qui travaillaient à l'Élysée comme conseiller d'Emmanuel Macron ou au ministère des Affaires étrangères.
22:47
y compris sur l'Afrique, qui ont été travaillés sur Total et sont devenus lobbyistes pour Total,
22:51
ou dans le sens inverse, Total qui a recruté des gens qui ensuite ont été embauchés par le ministère des Affaires étrangères en particulier,
22:58
notamment la chef à l'époque de toute cette affaire de Total ou Banda,
23:00
la chef de la diplomatie économique au ministère des Affaires étrangères,
23:03
avait travaillé plusieurs années chez Total. Ces entreprises à la fois ont cet accès privilégié qui est vraiment critique quand on a besoin d'un soutien au plus haut niveau,
23:11
et à la fois créent cette culture d'entre-soi qui crée une confusion entre intérêt public et intérêt privé.
23:17
Nous on préfère parler de porte tournante plutôt que de pantouflage qui est l'expression consacrée en France.
23:22
Le pantouflage c'est les vieux hauts fonctionnaires qui à la fin de leur carrière ont vu d'un emploi plus rémunérateur et qui vont travailler dans une entreprise privée,
23:29
donc ça existe depuis longtemps. Là ce qu'on voit aujourd'hui c'est que déjà ça concerne tous les échelons hiérarchiques,
23:34
ça se fait très tôt dans la carrière, donc il y a des gens qui font l'ENA,
23:37
qui travaillent à Bercy il y a quelques années et puis ensuite vont partir dans le privé,
23:40
et ça se fait dans les deux sens. Ça crée cet entre-soi,
23:44
ça crée ce sentiment de culture commune, ça crée cet accès privilégié.
23:48
Et ces gens qui travaillaient auparavant pour le gouvernement ont d'une certaine manière,
23:51
et même ceux qu'on a interrogés nous l'ont dit, ont l'impression erronés à mon sens,
23:55
qui travaillent encore pour l'intérêt de la France alors qu'ils travaillent pour une entreprise pétrolière qui détruit la planète et qui rémunère ses actionnaires qui sont en majorité à Wall Street.
24:06
Pourtant, ce pipeline et le projet qui va avec est une menace écologique majeure,
24:11
et pas seulement pour l'Ouganda. Pour avoir vu de ses yeux les sites concernés,
24:16
Thomas Barthes est aujourd'hui très inquiet de voir les premiers forages commencer dans le parc naturel des chutes du Murchison.
24:24
On en est où sur le terrain ? L'entreprise chinoise Sinoq a commencé les premiers forages au sein du parc naturel des Murchison Falls.
24:33
Après, ils n'ont pas du tout fini de compenser les 118 000 personnes.
24:38
Encore moins de commencer à construire en lui-même le pipeline.
24:42
Par contre, il y a déjà des routes goudronnées au sein même du parc naturel.
24:48
Et des routes goudronnées dans un parc naturel, ça ne marche pas.
24:51
Tous les rampants, juste sur du béton, ils crament.
24:54
Mais même les animaux plus grands, etc.
24:57
Bon, ça ne marche pas. Il y a des premiers chantiers au niveau de l'océan Indien,
25:01
au niveau de la côte, du futur port. Là-dessus,
25:03
ils ont commencé des travaux dans ce qu'on appelle des zones prioritaires.
25:06
C'est là où il va y avoir les futurs,
25:10
notamment camps de travailleurs. Là, ils commencent à avoir des premiers travaux à ce niveau-là.
25:15
Mais bon, ils en sont encore loin. Les financements,
25:18
surtout, des promoteurs, quand je dis les promoteurs,
25:20
c'est à la fois Total, mais aussi l'entreprise chinoise et aussi les deux gouvernements,
25:24
Ougandais et Tanzaniens, qui doivent aussi mettre plusieurs centaines de millions de dollars pour le projet,
25:30
ces financements ne sont pas encore assurés.
25:33
Et si Certotal pourrait totalement autofinancer,
25:37
vu les bénéfices qu'ils font, on imagine bien qu'ils pourraient autofinancer,
25:40
ce qui n'est pas du tout le cas des gouvernements Ougandais et Tanzaniens.
25:43
Un projet autofinancé pour les actionnaires de Total,
25:45
ce serait dramatique. C'est beaucoup moins intéressant financièrement pour les actionnaires.
25:50
Le 26 mai 2023, des activistes écologistes bloquent à nouveau l'Assemblée générale des actionnaires de Total.
26:06
Contre ce projet, c'est aussi au tribunal que la lutte se joue désormais.
26:10
En partie, grâce à ces années d'enquête sur le terrain,
26:13
puis en France. Six ONG déposent plainte contre Total en 2020.
26:18
En février 2023, le tribunal accouche d'une souris.
26:22
Les organisations sont déboutées. Motif ?
26:24
Le dossier est irrecevable pour une bête question de procédure.
26:28
C'est une victoire pour Total et une question pour celles et ceux qui luttent contre ce projet Tilanga.
26:34
La justice est-elle finalement une arme efficace ?
26:37
C'est une question un peu difficile. Je ne sais pas si c'est le plus efficace,
26:42
parce que j'ai l'impression que c'est les actions contre ce type de projet,
26:46
que ce soit le projet ICOPE en Ouganda et en Tanzanie,
26:49
que de manière générale, les projets climaticides, toutes les différentes actions me semblent très complémentaires.
26:54
Par exemple, sur le projet ICOPE, on voit bien que ce dossier judiciaire en France aide d'une certaine manière les autres dossiers judiciaires,
27:02
parce qu'il n'y a pas que en France. Une action en justice contre ce projet-là,
27:06
il y en a plusieurs en Ouganda, il y en a une au niveau de l'East African Court of Justice,
27:12
donc en Afrique de l'Est. Aussi, d'autres entreprises rattachées au projet,
27:17
pas directement contre Total ou les gouvernements ougandais et français,
27:20
mais notamment contre March, qui est le courtier d'assurance.
27:24
Donc ça, c'est aux États-Unis qu'il y a ça. Il y a plein d'autres dossiers judiciaires.
27:27
Chaque dossier judiciaire, de fait, se nourrit les uns les autres,
27:30
parce que les personnes qui portent ces dossiers-là sont en contact.
27:32
Mais on voit aussi que ces dossiers judiciaires... médiatise la chose.
27:36
Et il y a une pression médiatique contre Total et contre le gouvernement français.
27:40
Les ONG qui font du plaidoyer auprès des banques pour ne pas financer le projet se servent des ONG.
27:45
Mais le fait aussi que les banques, certaines ont publié des choses pour dire que,
27:48
clairement, le projet ne suivait pas les meilleures pratiques internationales,
27:54
notamment celles recommandées par la Banque mondiale, que se réclame Total.
27:59
servent aussi après les différents dossiers judiciaires,
28:02
comme la mobilisation dans la rue, etc. Tout ça,
28:04
à mon avis, me semble très complémentaire.
28:07
En tout cas, ça renforce les uns les autres, c'est clair.
28:11
Le meilleur, je ne sais pas, mais complémentaire à coup sûr.
28:20
Avoir vu de ses propres yeux les dégâts sur les vies de celles et ceux réduites au silence au nom du Saint-Pétrole a changé Thomas Barthes.
28:27
L'enquêteur poursuit aujourd'hui son minutieux travail de documentation auprès d'un eurodéputé,
28:32
Pierre Laroturo. Il ne lâchera pas Total Énergie d'une semelle,
28:37
car il y a encore beaucoup de petits secrets à déterrer ici,
28:40
en France, là où la multinationale fait encore de bonnes affaires,
28:44
mais où elle s'arrange aussi pour ne pas y payer d'impôts,
28:47
ce qui ne l'empêche pas d'en profiter de l'autre main, en touchant de l'argent public pour une méga-usine de batteries dans le nord de la France.
28:54
On en parle avec l'économiste Maxime Combe dans un prochain épisode de Goliath.
29:21
Entretien Laura Vérec Réalisation
29:26
Étienne Gracianotte
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