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[REDIFF] Goliaths - Épisode 1 : que cache Total en Ouganda ?

[REDIFF] Goliaths - Épisode 1 : que cache Total en Ouganda ?

Released Wednesday, 22nd May 2024
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[REDIFF] Goliaths - Épisode 1 : que cache Total en Ouganda ?

Wednesday, 22nd May 2024
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Episode Transcript

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0:03

Parce qu'on aura toujours besoin de remplir le réservoir de sa voiture pour les choses essentielles de la vie.

0:11

Parce qu'on aura toujours envie du meilleur confort possible.

0:17

Et parce qu'il faudra toujours préserver l'environnement.

0:20

Un jour, peut-être, si nos actionnaires sont d'accord.

0:25

Alors. Total Energy,

0:28

c'est la multinationale qui va changer votre vie.

0:31

Plus verte, plus humaine, plus propre,

0:34

elle promet une énergie bon marché qui arrive comme un enchantement dans le réservoir de vos voitures.

0:40

Une compagnie pétrolière qui s'aimerait seulement des pétales de rose dans le siège de ses pipelines.

0:45

Vraiment ? Vous écoutez

0:50

Goliath. Que cachent les multinationales ?

0:58

Je suis Laura Vérec. Je suis Violette Voldois.

1:01

Bienvenue dans le podcast de l'Observatoire des multinationales et de Radioparleurs.

1:14

Moi, quand je suis arrivé, c'était en début 2015,

1:17

personne ne parlait de ce projet-là. Collusion,

1:22

pression, menaces, des récits troublants viennent contredire le rêve fleuri que Total Energy déploie dans sa communication tirée à quatre épingles.

1:31

Que se passe-t-il réellement dans les savannes hougandaises ?

1:35

Pour y voir clair et percer les secrets du géant pétrolier directement sur un terrain miné,

1:40

il faut un enquêteur discret. Un enquêteur qui sera composé avec la très secrète industrie pétrolière,

1:47

sur le site du futur projet titanesque de Total Energy,

1:51

Tilanga. Alors moi c'est Thomas Barthes,

1:53

aujourd'hui je me considère comme chercheur indépendant.

1:56

J'ai passé environ 5 ans en Ouganda et aujourd'hui je travaille principalement avec différents médias.

2:01

En 2015, Thomas Barthes, qui a étudié les sciences politiques à la Sorbonne,

2:06

pose donc ses valises dans le pays et s'imagine y passer quelques mois,

2:09

cultivant un petit lot peintaire, tranquillement concentré sur ses recherches.

2:13

Comment est-ce que tu t'intéresses à Total ?

2:16

Mon sujet de thèse était sur la mise en place de l'industrie pétrolière en Ouganda.

2:21

Dès le début de ma thèse, je m'amenais à travailler sur Total.

2:24

Et lorsqu'il découvre comment Total travaille déjà le terrain hongandais depuis 4 ans,

2:29

il en trouve une boîte de Pandore au secret peu reluisant.

2:33

Car l'entreprise française lorgne depuis longtemps sur les gisements pétroliers du lac Albert,

2:38

découvert en 2006. Le projet de Total Energy porte un nom,

2:43

E-COP, pour East African Crude Oil Pipeline,

2:48

titanesque réseau de transport de pétrole qui doit traverser 1400 km d'est en ouest,

2:54

à travers parcs naturels, forêts,

2:56

savannes, villages. Des tuyaux énormes dont la température doit être maintenue à 50 degrés pour que l'or noir y reste bien liquide.

3:06

L'équivalent d'un milliard de barils vont y couler pendant 25 ans.

3:10

Et pour cela, les buffles, les antilopes qui viennent boire l'eau fraîche du lac Albert devront être délogés.

3:17

À leur place, le monstre sinueux s'alimentera du pétrole dans le vacarme des foreuses.

3:22

Ces forêts de métal, comme on en voit dans les livres d'histoire américains sur la conquête de l'Ouest,

3:27

risquent de souiller ces terres, à tout jamais.

3:32

Il y a à la fois bien sûr les conséquences climatiques d'un projet,

3:36

alors que l'Agence internationale de l'énergie, le GIEC,

3:39

disent qu'il ne faut plus aucun nouveau projet.

3:41

Ce projet-là, au moment du pic de production,

3:44

on parle de plus de 34 millions de tonnes de CO2, ce qui ne parle pas trop.

3:48

Mais pour avoir un équivalent, c'est en gros l'équivalent de 6 fois les émissions de CO2 de l'Ouganda.

3:54

et il y a tous les risques environnementaux,

3:57

à la fois au niveau de l'océan Indien, là où il y aura le port pétrolier,

4:00

notamment parce que c'est une zone qui a un risque de cyclone,

4:03

il y a de plus en plus de cyclones. En 2004,

4:05

il y avait eu un tsunami. Potentiellement,

4:08

ça peut être vraiment catastrophique.

4:11

Aussi, parce que le pipeline passe l'Utah quelques kilomètres,

4:14

à environ 5 kilomètres de la plus grande réserve d'eau douce d'Afrique,

4:18

le lac Victoria. D'après la Banque mondiale,

4:20

il y a environ 40 millions de personnes qui dépendent de ce lac.

4:23

donc des potentielles contaminations qui seraient désastreuses.

4:26

Et ce qu'il faut bien voir, c'est que toute cette région de l'Afrique bouge énormément,

4:31

dans le sens que c'est l'une des zones où l'activité sismique est la plus élevée.

4:34

Sur les 25 dernières années, on parle de plus de 300 tremblements de terre élevés,

4:38

c'est-à-dire supérieurs à 4,5 sur l'échelle de Richard,

4:42

et qui, bien entendu, augmente le risque de fuite d'un pipeline,

4:46

tout en sachant que, de toute façon, tous les pipelines fuient.

4:49

Après, plus ou moins, mais tous, même en Europe,

4:52

même en Amérique du Nord, sauf que là, en plus, quand on parle de cette zone-là extrêmement fragile,

4:56

extrêmement sensible, on augmente le risque des conséquences de ça.

5:01

On travaille par exemple en ce moment en Ouganda avec des experts et scientifiques pour voir comment on peut reconstituer les corridors pour la circulation des chimpanzés.

5:09

Patrick Pouyanné, PDG de Total Energy,

5:12

auditionné par les députés le 9 novembre 2022.

5:15

On va contribuer à accroître de 50% les rangers dans les parcs nationaux d'Ouganda.

5:20

Or le principal sujet de la biodiversité dans ces pays africains,

5:22

c'est le braconnage. et que mettre en place une police des parcs nationaux a une vraie utilité pour la biodiversité.

5:29

Voilà des choses très concrètes qu'on peut chercher à faire. Le PDG du pétrolier français aime ainsi rappeler dès qu'il en a l'occasion que l'entreprise est engagée pour l'environnement.

5:40

Il n'y a donc pas de sujet environnemental et tout est transparent.

5:43

En bon enquêteur, Thomas Barthes ne prend pas ses beaux discours pour argent comptant et s'arme tout de même de quelques précautions dans son travail.

5:51

Car l'industrie pétrolière n'est pas un livre ouvert,

5:53

c'est un monde opaque, fermé, dont les protagonistes savent parfaitement qu'ils pourront se réserver le droit d'écarter les gêneurs.

6:00

L'énergie est un secteur stratégique. Total Energy,

6:04

on est le bras armé. Pire, c'est un fleuron de l'industrie française.

6:09

Pour les chercheurs universitaires, on est censé avoir un permis de recherche.

6:14

Donc ça c'est pour n'importe quel sujet, mais en plus pour tout ce qui concerne le secteur pétrolier,

6:18

il faut un permis spécial, un sur-permis entre guillemets.

6:22

Et ce qu'on m'avait dit, c'est qu'en gros personne n'avait jamais eu ce permis-là.

6:24

D'ailleurs, je ne l'ai jamais eu. Ma peur,

6:29

elle n'était pas du tout en termes sécuritaires, en tout cas. En tant que Français,

6:32

je me disais que le risque, il était qu'ils me mettent dans un avion et pas vraiment autre chose.

6:36

Thomas Barthes devrait pourtant se méfier. Il faut avoir des yeux partout lorsqu'on enquête sur le projet Tilinga.

6:42

En Ouganda, Total Energy, ce n'est pas que Total Energy,

6:46

ses salariés identifiables avec un badge et ses officiels au langage policier.

6:50

La multinationale a des bras armés,

6:52

des sous-traitants qui font un bien sale boulot,

6:55

faire place nette sur les sites des raffineries qui sortiront un jour du sol.

7:00

Thomas Barthes constate alors que des pressions, parfois même des menaces,

7:03

ont déjà commencé, alors que les forages ne sont même pas encore d'actualité.

7:08

En 2017, la multinationale française mandate des intermédiaires.

7:12

L'entreprise Atacama en fait partie.

7:16

Chargé de négocier avec les populations, ses sbires proposent un deal.

7:20

Quitter les terres des futurs forages contre une compensation financière.

7:23

Par exemple, dans la zone là où il y a le premier sous-projet au sein du projet d'exploitation de Tilanga.

7:30

Total, compensent les personnes 3,5 millions de shillings.

7:34

Il va parler à personne qui écoute cette émission.

7:37

C'est un peu moins de 1000 euros, 800 euros.

7:40

Pour vous donner une image, l'Ouganda National Road Authority,

7:43

c'est-à-dire l'administration qui construit des routes en Ouganda.

7:46

compense entre 3 et 4 fois plus. Donc une administration ougandaise compense 3 à 4 fois mieux que Total.

7:55

Nous n'indemnisons pas du tout à 1000 dollars par hectare comme je l'ai entendu en Ouganda,

8:00

mais plus cher que ça, à un prix relativement élevé.

8:03

Vous vérifierez sur la base de nos chiffres qu'on vous fournit,

8:07

puisque c'est nous-mêmes qui les alimentons. Pourtant,

8:10

beaucoup de familles acceptent le deal. Car Total Energy s'engage à verser l'argent le plus vite possible dans la poche des paysans et leurs familles.

8:18

Pour Thomas Barthes, cela ressemble surtout à un bel écran de fumée.

8:22

Car dans les petites lignes du contrat que les employés d'Atacama font signer aux paysans,

8:27

il y a des choses bizarres. Ils n'ont pas le droit de réparer les maisons.

8:30

Alors que ce sont des maisons en terre, au bout d'un an et demi,

8:33

les maisons s'écroulent si elles ne sont pas réparées. Ils n'ont pas le droit d'enterrer leurs morts,

8:37

par exemple, sur leur terre. Et elles ne peuvent pas cultiver certaines cultures.

8:44

Encore aujourd'hui, en 2023, il y a énormément de personnes qui n'ont pas reçu la compensation.

8:50

Ces personnes-là ne peuvent pas utiliser leur terre de manière libre.

8:54

Elles sont totalement coincées. Il y a une perte de revenus très importante.

8:58

Beaucoup de familles parlent de famine. Il n'y a pas que les rapports d'ONG qui en parlent.

9:02

Plusieurs journalistes ont sorti les mêmes choses. Il y a un phénomène de déscolarisation très important.

9:07

Il y a le problème d'accès à la santé, bien sûr, qui augmente parce que quand on ne peut plus se nourrir,

9:12

on va encore moins à l'hôpital quand on est malade. Lors de mon dernier séjour en Ouganda,

9:16

l'été 2022, certaines familles me disaient que pour se nourrir,

9:21

elles volaient dans les champs de leurs voisins. Pour certaines familles,

9:23

ça en va jusqu'à là. Certaines familles ont osé dire non.

9:30

Non aux sommes dérisoires qu'on leur proposait,

9:33

en échange d'un projet d'extraction pétrolière présenté comme une nécessité économique absolue pour leur pays.

9:39

Certains ne sont même pas contre. Beaucoup le sont,

9:41

mais pas tous du tout. Mais ceux qui ne sont pas contre le projet en soi,

9:46

mais qui refusent ces taux de compensation et qui le disent et l'expliquent de manière publique,

9:52

peuvent subir des pressions. de différents types.

9:56

Certaines se sont fait attaquer en justice par le gouvernement rwandais.

10:00

D'autres se sont fait arrêter parce qu'elles parlaient trop notamment à des ONG ou à des journalistes.

10:07

D'autres ont subi des menaces de mort. Défendre ses citoyennes et citoyens,

10:14

qui se plaignent d'être les dernières roues du carrosse,

10:17

n'est ainsi pas la priorité des autorités hougandaises,

10:20

qui convoitent les 25 milliards de barils promis par le projet.

10:24

Pour Total Energy, il n'est pas question de renoncer à Tilanga.

10:29

Ce projet est trop important pour la santé financière de la multinationale,

10:32

quitte à adopter des méthodes douteuses. Il y a eu aussi des menaces de salariés de Total,

10:37

dont même récemment une menace de mort d'un salarié de Total ou grandé vis-à-vis d'une personne affectée mais qui est très active.

10:47

Écarter les gêneurs, faire taire les paysans mécontents,

10:50

pour les habitants et habitantes des zones concernées par le projet Tilanga,

10:54

C'est la loi du silence qui s'installe. Pour Thomas Barthes,

10:58

l'enquête devient de plus en plus compliquée sur le terrain.

11:03

Les gens avaient peur. Ils avaient peur pour différentes raisons.

11:06

Par exemple, au niveau des communautés affectées,

11:09

le fait que j'étais français n'aidait pas du tout.

11:13

Blancs, ça n'aidait pas, mais français encore moins, dans le sens où,

11:16

je ne sais pas si c'est au français, il y avait notamment une entreprise qui s'appelle Total qui était présente.

11:20

mais même sans parler d'une possible association entre moi et Total,

11:24

il y avait aussi toute la peur du land grabbing, c'est-à-dire des personnes qui essayaient de voler les terres avant Total,

11:31

pour après essayer de spéculer avec Total. À la suite,

11:34

au niveau des fonctionnaires, c'était extrêmement sensible.

11:37

Au fil du temps, la confiance s'installe et on arrive à nouer des relations qui permettent de récupérer des informations.

11:44

Mais c'est vrai que ça prend beaucoup de temps. Pas tant parce que parfois,

11:48

les informations sont dites secrètes, interdites,

11:51

mais de fait, vu le sujet, c'est souvent plus facile de les récupérer si les fonctionnaires ne savent pas que c'est lié au secteur pétrolier.

11:59

Et dans un régime non démocratique comme l'Ouganda...

12:03

sur des sujets extrêmement sensibles. En gros,

12:06

quand ça touche au groupe au pouvoir, donc M.

12:09

Vignier, sa famille, c'est très très proche,

12:12

et quelques secteurs clés stratégiques, notamment concrètement l'armée et le pétrole.

12:17

Il y a un risque pour les fonctionnaires de se faire jarter du jour au lendemain parce qu'il n'y a pas de protection pour ses salariés.

12:25

Et de manière générale, même pour ceux déplacés, pendant mes cinq ans là-bas,

12:29

très peu de monde savait sur quoi je travaillais parce que c'est trop compliqué,

12:33

à tous les niveaux, pour récupérer des informations et pour pouvoir y rester notamment aussi longtemps.

12:39

Pendant toutes ces années d'enquête, Thomas Barthes avance donc masqué,

12:43

discret avec ses sources, évasif avec les agents de l'État,

12:46

prudent. avec le géant français de l'énergie. Car c'est un système auquel il est confronté,

12:51

un système bien huilé, un système qui finit toujours par remarquer quand on s'intéresse à lui d'un peu trop près.

12:58

L'enquêteur sent bien qu'un jour ou l'autre, c'est sur son dos qu'on accrochera une cible.

13:05

Moi, j'ai subi des pressions, surtout à la fin,

13:08

la dernière année. Même si officiellement,

13:12

je ne travaillais pas sur le secteur pétrolier, donc clairement, ils avaient compris que je travaillais là-dessus,

13:15

parce que je vivais à plein de temps là-bas. Il y a notamment l'équivalent du préfet qui,

13:19

plusieurs fois, m'a menacé de me mettre dans un avion.

13:23

Enfin, à moi et aussi à beaucoup de mes proches. À un moment,

13:26

moi et mon confrère ougandais,

13:29

on a été recherchés. Là, c'était juste avant,

13:31

on m'a été en demeure totale. On prenait des témoignages écrits pour l'université de Haute-Juge.

13:36

Quand les autorités l'ont découvert, là on a été recherché.

13:39

Et avec d'ailleurs des messages à la radio locale avec nos noms.

13:43

Donc là ça a été un peu compliqué. Il n'y a pas eu de photo à ma connaissance.

13:46

Mais donc il y avait juste nos noms, etc. Après j'étais un peu le seul blanc dans le coin,

13:50

tout le monde me connaissait. Le chercheur sait qu'une fois identifié par Total,

13:56

le compte à rebours est lancé. Pour gagner du temps avant de se faire mettre la main sur le col,

14:01

Thomas Barthes prend ses précautions. Il prend plusieurs appartements,

14:05

l'un à côté d'une zone d'exploitation, l'autre à côté d'une future raffinerie,

14:10

le troisième à Kampala, la capitale. Pendant deux mois,

14:13

le chercheur va vivre dissimulé dans l'un de ses logements,

14:16

là où personne ne le connaît. Il se sait rechercher,

14:20

entend des annonces à la radio qui répètent son nom.

14:23

Pourtant, il continue d'enquêter sur la pointe des pieds pour retarder le plus possible son éviction par le géant pétrolier.

14:54

Quand j'étais dans l'autre ville, personne ne me connaissait,

14:57

c'est quand je suis retourné dans la zone pétrolière,

15:00

que là par contre, on était suivi,

15:03

mais comme... Aujourd'hui, plein d'acteurs d'ONG ougandaises,

15:07

c'est ça qu'il faut bien voir. Et la grosse différence entre moi et eux,

15:10

c'est que moi je me suis toujours dit, s'ils m'arrêtent,

15:12

c'est pour me mettre dans un avion. Les acteurs ougandais,

15:15

c'est pas la même chose. On les arrête et eux,

15:17

ils restent en prison. On a quand même clairement une protection quand on a un passeport européen.

15:23

Il ne faut pas l'oublier. Certains projets sont probablement plus dangereux,

15:27

mais sur un projet comme celui-là, Total veut tout,

15:30

sauf qu'un journaliste ou un chercheur occidental prenne une balle.

15:35

On n'est pas sur du graphique d'armes dans certains pays où là c'est autre chose.

15:38

Donc de mon point de vue, par contre pour les Ougandais,

15:41

c'est clairement très très différent. Un accident de la route d'un Ougandais,

15:45

ce n'est pas forcément la une des journaux.

15:47

Ceux qui sont à risque, c'est clairement les opposants au projet Ougandais et Tanzaniens.

15:52

Et en gros, ils ont commencé à arrêter des gens quand ils ont vu qu'on recommençait à contacter des personnes affectées par le projet.

15:59

Et du coup, c'est là où j'ai dû partir. Si chez Total Energy,

16:08

on pensait avoir enfin retiré les pintomes à Barthes du pied du projet Tilianga,

16:13

on en est pour ses frais. De retour en France,

16:16

le chercheur complète son travail de terrain par les informations publiées directement par l'entreprise.

16:22

C'est alors une deuxième enquête qui commence. Il y a énormément d'informations publiques qu'on récupère,

16:29

de fait. La première information qui me semble intéressante,

16:33

comme exemple, c'est le chiffre de nombre de personnes expulsées,

16:36

impactées par le projet, de 118 000.

16:39

Ça, c'est juste en fouillant les plusieurs milliers de pages.

16:43

Dans certains tomes, on voit que dans cette région-là,

16:45

il y a tant de personnes qui sont affectées. Dans un autre tome,

16:48

3000 pages plus loin, c'est ce nombre de personnes-là qui est affecté,

16:51

etc. Et c'est en additionnant qu'on arrive à avoir le nombre.

16:55

Et cette bataille des chiffres qui est importante,

16:58

entre moins de 1000 papes qui seraient impactés,

17:02

après ils vont passer à 18 000 papes, personnes affectées par le projet,

17:06

toutes les personnes qui se font expulser,

17:09

en sachant qu'en total utilisent ce terme,

17:12

ils font référence principalement aux foyers,

17:15

qui peuvent être parfois plus de 15,

17:17

20 personnes, et c'est aussi pour ça qu'il y a eu pendant longtemps une bataille des chiffres sur

17:22

Total qui parlait des papes. Et nous qui parlions de personnes affectées par le projet,

17:26

mais par individus. Puis maintenant,

17:29

ils ne parlent que des personnes qui sont expulsées,

17:32

comme si en gros il n'y avait que les personnes pour lesquelles Total construit des maisons,

17:36

qui sont impactées, et pas les 118 000.

17:38

C'est dans les documents de Total, ce chiffre-là. Même si,

17:42

bien sûr, Total, c'est ce qu'on dénonce,

17:44

n'a pas publié plein de documents et de protocoles,

17:47

notamment en cas de fuite, qu'est-ce qui se passerait. Mais ce n'est pas pour ça qu'il n'y a pas déjà plein de choses qui sont sorties.

17:52

Et... Gros exemple, le rapport que Survie et les militaires avaient publié en collaboration avec notre organisation,

17:58

l'Observatoire des Multinationaux, plus de 90% des informations,

18:03

on les a eues de France. Et la très grande majorité derrière nos ordinateurs.

18:07

Là c'était sur notamment le soutien de l'État français au projet Total en Ouganda.

18:12

Tout le système des portes tournantes qu'on a évoqué dans ce rapport là,

18:16

pour beaucoup ce sont des informations qui sont publiques. C'est juste que c'est chronophage oui,

18:20

mais ça se fait. Le 9 mai 2022,

18:31

des militantes polonaises interpellent le président Macron au Parlement européen sur E-COP et demandent l'arrêt du financement de l'État français au projet de Total Energy.

18:52

Tu as parlé justement de la France et de la position que la France a par rapport au projet de Total.

18:59

Est-ce que la France soutient, aide,

19:02

protège ? Quelle est la position de la France par rapport à ce projet ?

19:05

Il est assez représentatif,

19:09

en tout cas l'image que je m'en fais, du comportement de l'État français vis-à-vis du secteur pétrolier de manière générale.

19:15

qui d'un côté dit qu'il ne soutient pas le projet,

19:17

parce que ce projet-là, spécifiquement,

19:20

ils ne l'ont pas soutenu financièrement, ce qu'ils ont fait sur plein de projets de Total,

19:23

de par le monde d'ailleurs. Par contre,

19:26

ce qu'on voit, c'est qu'il y a eu un soutien diplomatique fort passé et encore présent,

19:31

et ça va de tous les niveaux, que ce soit là à l'Elysée,

19:34

on a récupéré le bout d'une lettre de félicitation de Macron à Musevini lors de sa énième réélection.

19:42

Musevini, pour tout le monde le sache, c'est une personne qui est au pouvoir depuis 1986,

19:46

donc ça fait quand même 37 ans qu'il est au pouvoir, pris par les armes,

19:49

le pouvoir. Donc lors de sa dernière réélection,

19:52

Macron lui envoie une lettre de félicitation, Il dit que le projet ICOPE va encore permettre d'augmenter la coopération entre la France et le Louvain,

20:03

etc. Il y a un soutien de l'ambassade de France.

20:07

On en parle beaucoup dans le rapport que les trois ONG, Observatoire multinational,

20:10

Survie et Les Amis de la Terre ont publié. Et c'est encore tout récemment.

20:14

Il y a quelques semaines, le ministère des Affaires étrangères français a fait venir un Tanzanien totalement pro-ICOP,

20:21

qui n'avait jamais rencontré de personnes affectées.

20:23

C'est lui-même qui m'a expliqué. Et clairement,

20:25

pour vanter le projet et pour expliquer comment ce projet était génialissime pour le pays.

20:30

Et clairement, il m'a expliqué que les personnes qu'il avait convaincues qu'il n'y avait aucun risque environnemental,

20:35

par exemple, c'était le directeur. de l'entreprise ICOP,

20:38

la filiale de Total, et que c'était lui qui lui avait vraiment rassuré qu'il n'y avait aucun risque sur l'environnement.

20:45

En quoi le ministère des Affaires étrangères français se fait le VRP d'un projet de Total ?

20:52

C'est pas possible, quoi. Après,

20:56

il n'y a pas du tout que le soutien diplomatique d'ailleurs,

20:58

il y a aussi plein d'autres formes de soutien, notamment en termes de coopération militaire.

21:02

On a découvert que les militaires qui ont été déployés dans la zone pétrolière,

21:07

qui servent beaucoup plus à réprimer les opposants au projet que ce soit d'autres,

21:12

ces mêmes militaires, ces mêmes unités ont été formés par la coopération française.

21:20

L'État français affiche une inquiétude de façade.

21:23

Car en réalité, difficile pour lui de ne pas soutenir la multinationale,

21:27

car elle est française. Et cela semble semer le trouble dans l'esprit des fonctionnaires des ministères.

21:34

Thomas Barthes le voit au quotidien sur son terrain ougandais.

21:37

Et depuis la France, c'est Olivier Petitjean,

21:40

un autre enquêteur qui va aller voir ce système bien ancré,

21:44

d'aller et retour incessant des fonctionnaires qui vont dans le privé,

21:48

notamment chez Total, pour revenir ensuite défendre les intérêts de leurs anciens employeurs dans le public.

21:54

C'est ce qu'il appelle les portes tournantes.

21:57

Quand on se penche sur le projet Total en Ouganda,

22:00

on voit que l'État français à tous les niveaux a soutenu Total à bout de bras et a multiplié les gestes diplomatiques vis-à-vis du gouvernement ougandais.

22:07

Quand le président ouganda a été réélu, il y a Emmanuel Macron qui lui a adressé un message de félicitations,

22:12

alors même qu'il avait été élu dans les circonstances problématiques,

22:15

en incluant dans ce message son souhait que ce projet voit le jour.

22:19

Donc nous on s'est posé la question, qu'est-ce qui fait que l'État français...

22:23

On confond d'une certaine manière l'intérêt d'une entreprise privée dont les actionnaires sont majoritairement pas français,

22:28

Total, avec les intérêts de la France qui veuille le coup que la diplomatie française se mette au service de Total.

22:34

Et une des réponses qu'on a trouvées, c'est cette dynamique de ce qu'on appelle les portes tournantes,

22:38

c'est-à-dire les échanges de personnel entre le secteur public et le secteur privé,

22:41

soit des personnes qui travaillaient à l'Élysée comme conseiller d'Emmanuel Macron ou au ministère des Affaires étrangères.

22:47

y compris sur l'Afrique, qui ont été travaillés sur Total et sont devenus lobbyistes pour Total,

22:51

ou dans le sens inverse, Total qui a recruté des gens qui ensuite ont été embauchés par le ministère des Affaires étrangères en particulier,

22:58

notamment la chef à l'époque de toute cette affaire de Total ou Banda,

23:00

la chef de la diplomatie économique au ministère des Affaires étrangères,

23:03

avait travaillé plusieurs années chez Total. Ces entreprises à la fois ont cet accès privilégié qui est vraiment critique quand on a besoin d'un soutien au plus haut niveau,

23:11

et à la fois créent cette culture d'entre-soi qui crée une confusion entre intérêt public et intérêt privé.

23:17

Nous on préfère parler de porte tournante plutôt que de pantouflage qui est l'expression consacrée en France.

23:22

Le pantouflage c'est les vieux hauts fonctionnaires qui à la fin de leur carrière ont vu d'un emploi plus rémunérateur et qui vont travailler dans une entreprise privée,

23:29

donc ça existe depuis longtemps. Là ce qu'on voit aujourd'hui c'est que déjà ça concerne tous les échelons hiérarchiques,

23:34

ça se fait très tôt dans la carrière, donc il y a des gens qui font l'ENA,

23:37

qui travaillent à Bercy il y a quelques années et puis ensuite vont partir dans le privé,

23:40

et ça se fait dans les deux sens. Ça crée cet entre-soi,

23:44

ça crée ce sentiment de culture commune, ça crée cet accès privilégié.

23:48

Et ces gens qui travaillaient auparavant pour le gouvernement ont d'une certaine manière,

23:51

et même ceux qu'on a interrogés nous l'ont dit, ont l'impression erronés à mon sens,

23:55

qui travaillent encore pour l'intérêt de la France alors qu'ils travaillent pour une entreprise pétrolière qui détruit la planète et qui rémunère ses actionnaires qui sont en majorité à Wall Street.

24:06

Pourtant, ce pipeline et le projet qui va avec est une menace écologique majeure,

24:11

et pas seulement pour l'Ouganda. Pour avoir vu de ses yeux les sites concernés,

24:16

Thomas Barthes est aujourd'hui très inquiet de voir les premiers forages commencer dans le parc naturel des chutes du Murchison.

24:24

On en est où sur le terrain ? L'entreprise chinoise Sinoq a commencé les premiers forages au sein du parc naturel des Murchison Falls.

24:33

Après, ils n'ont pas du tout fini de compenser les 118 000 personnes.

24:38

Encore moins de commencer à construire en lui-même le pipeline.

24:42

Par contre, il y a déjà des routes goudronnées au sein même du parc naturel.

24:48

Et des routes goudronnées dans un parc naturel, ça ne marche pas.

24:51

Tous les rampants, juste sur du béton, ils crament.

24:54

Mais même les animaux plus grands, etc.

24:57

Bon, ça ne marche pas. Il y a des premiers chantiers au niveau de l'océan Indien,

25:01

au niveau de la côte, du futur port. Là-dessus,

25:03

ils ont commencé des travaux dans ce qu'on appelle des zones prioritaires.

25:06

C'est là où il va y avoir les futurs,

25:10

notamment camps de travailleurs. Là, ils commencent à avoir des premiers travaux à ce niveau-là.

25:15

Mais bon, ils en sont encore loin. Les financements,

25:18

surtout, des promoteurs, quand je dis les promoteurs,

25:20

c'est à la fois Total, mais aussi l'entreprise chinoise et aussi les deux gouvernements,

25:24

Ougandais et Tanzaniens, qui doivent aussi mettre plusieurs centaines de millions de dollars pour le projet,

25:30

ces financements ne sont pas encore assurés.

25:33

Et si Certotal pourrait totalement autofinancer,

25:37

vu les bénéfices qu'ils font, on imagine bien qu'ils pourraient autofinancer,

25:40

ce qui n'est pas du tout le cas des gouvernements Ougandais et Tanzaniens.

25:43

Un projet autofinancé pour les actionnaires de Total,

25:45

ce serait dramatique. C'est beaucoup moins intéressant financièrement pour les actionnaires.

25:50

Le 26 mai 2023, des activistes écologistes bloquent à nouveau l'Assemblée générale des actionnaires de Total.

26:06

Contre ce projet, c'est aussi au tribunal que la lutte se joue désormais.

26:10

En partie, grâce à ces années d'enquête sur le terrain,

26:13

puis en France. Six ONG déposent plainte contre Total en 2020.

26:18

En février 2023, le tribunal accouche d'une souris.

26:22

Les organisations sont déboutées. Motif ?

26:24

Le dossier est irrecevable pour une bête question de procédure.

26:28

C'est une victoire pour Total et une question pour celles et ceux qui luttent contre ce projet Tilanga.

26:34

La justice est-elle finalement une arme efficace ?

26:37

C'est une question un peu difficile. Je ne sais pas si c'est le plus efficace,

26:42

parce que j'ai l'impression que c'est les actions contre ce type de projet,

26:46

que ce soit le projet ICOPE en Ouganda et en Tanzanie,

26:49

que de manière générale, les projets climaticides, toutes les différentes actions me semblent très complémentaires.

26:54

Par exemple, sur le projet ICOPE, on voit bien que ce dossier judiciaire en France aide d'une certaine manière les autres dossiers judiciaires,

27:02

parce qu'il n'y a pas que en France. Une action en justice contre ce projet-là,

27:06

il y en a plusieurs en Ouganda, il y en a une au niveau de l'East African Court of Justice,

27:12

donc en Afrique de l'Est. Aussi, d'autres entreprises rattachées au projet,

27:17

pas directement contre Total ou les gouvernements ougandais et français,

27:20

mais notamment contre March, qui est le courtier d'assurance.

27:24

Donc ça, c'est aux États-Unis qu'il y a ça. Il y a plein d'autres dossiers judiciaires.

27:27

Chaque dossier judiciaire, de fait, se nourrit les uns les autres,

27:30

parce que les personnes qui portent ces dossiers-là sont en contact.

27:32

Mais on voit aussi que ces dossiers judiciaires... médiatise la chose.

27:36

Et il y a une pression médiatique contre Total et contre le gouvernement français.

27:40

Les ONG qui font du plaidoyer auprès des banques pour ne pas financer le projet se servent des ONG.

27:45

Mais le fait aussi que les banques, certaines ont publié des choses pour dire que,

27:48

clairement, le projet ne suivait pas les meilleures pratiques internationales,

27:54

notamment celles recommandées par la Banque mondiale, que se réclame Total.

27:59

servent aussi après les différents dossiers judiciaires,

28:02

comme la mobilisation dans la rue, etc. Tout ça,

28:04

à mon avis, me semble très complémentaire.

28:07

En tout cas, ça renforce les uns les autres, c'est clair.

28:11

Le meilleur, je ne sais pas, mais complémentaire à coup sûr.

28:20

Avoir vu de ses propres yeux les dégâts sur les vies de celles et ceux réduites au silence au nom du Saint-Pétrole a changé Thomas Barthes.

28:27

L'enquêteur poursuit aujourd'hui son minutieux travail de documentation auprès d'un eurodéputé,

28:32

Pierre Laroturo. Il ne lâchera pas Total Énergie d'une semelle,

28:37

car il y a encore beaucoup de petits secrets à déterrer ici,

28:40

en France, là où la multinationale fait encore de bonnes affaires,

28:44

mais où elle s'arrange aussi pour ne pas y payer d'impôts,

28:47

ce qui ne l'empêche pas d'en profiter de l'autre main, en touchant de l'argent public pour une méga-usine de batteries dans le nord de la France.

28:54

On en parle avec l'économiste Maxime Combe dans un prochain épisode de Goliath.

29:21

Entretien Laura Vérec Réalisation

29:26

Étienne Gracianotte

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